lundi 17 février 2014

Un médecin régulateur du SAMU 86 renvoyé au Tribunal Correctionnel

Elle souffle. Soulagée après huit ans de combat même si elle redoute l'issue du procès. Le courrier qu'elle n'attendait plus, la décision qu'elle n'espérait plus, sont arrivés samedi matin dans sa boîte aux lettres. Hinda Guemache, une Poitevine de 40 ans, vient de recevoir l'ordonnance rendue par un juge d'instruction de Poitiers.
 
Poursuivi pour homicide volontaire
Huit ans après la mort de son compagnon, Emmanuel Granier, le magistrat vient de décider de renvoyer devant le tribunal correctionnel de Poitiers un médecin régulateur du Samu 86. Le Dr Catherine Compain, en retraite depuis peu, après plus de trente années passées aux urgences du CHU, est poursuivi pour homicide involontaire. Le juge d'instruction a prononcé un non-lieu sur la question de la non-assistance à personne en danger.
 
« Oui, ce procès, après tant de temps, c'est quand même une victoire », réagit Hinda Guemache. « C'est surtout un soulagement. Je suis soulagée que la médecin du Samu soit jugée. Soulagée pour moi, pour les enfants. Je vais enfin pouvoir faire le deuil de Manu. »
 
Le 28 juin 2006, il appelle le Samu en pleine nuit, pris par des violentes douleurs à la poitrine et au bras. L'entretien téléphonique avec le médecin se passe mal. Après plusieurs appels, le régulateur consent finalement à envoyer une ambulance privée, aux frais de la famille.
A peine embarqué, le trentenaire convulse. Le Smur est envoyé sur place. Sans succès. A 32 ans, Emmanuel Granier vient de succomber à un malaise cardiaque sur le chemin des urgences du CHU.
 
Les experts et le juge d'instruction (lire ci-dessous) considèrent que le médecin régulateur a bel et bien commis une faute. Un entretien téléphonique trop sommaire ne lui a pas permis de prendre la pleine mesure de la gravité de la situation.
« Pour moi, insiste Hinda Guemache, elle n'a pas fait ce qu'il fallait. Elle pouvait l'entendre pleurer et hurler au téléphone. Elle nous faisait la morale. Si elle avait posé les bonnes questions, il aurait pu être sauvé. »
 
 
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Au coeur de la régulation des urgences, la question délicate du diagnostic par téléphone
Le tribunal correctionnel de Poitiers aura la tâche difficile. Les débats promettent d'être passionnés tant l'instruction s'achève sur des positions tranchées. Depuis le début de l'affaire, le ministère public estime que le dossier est vide de toute faute. Classement sans suite, réquisitions de non-lieu, le parquet considère qu'il n'y avait pas matière à poursuites judiciaires. Le juge d'instruction en a décidé autrement.
 
L'expertise confiée à deux patrons d'un Samu, l'un à Dijon, l'autre à Amiens, était accablante. Elle a été déterminante. Au vu des symptômes décrits, le régulateur aurait dû envoyer tout de suite une équipe du Smur, notent les deux professeurs. Le médecin « a commis une faute de négligence caractérisée qui a exposé Emmanuel Granier à un risque d'une particulière gravité », considère le magistrat instructeur. La faute en question, c'est « un diagnostic insuffisamment étayé », à cause d'un questionnement téléphonique incomplet.
 
Une faute indirecte. La cause directe du décès, selon l'expertise médicale, c'est le tabagisme de la victime.
 
La tâche du régulateur est ardue, s'assurer d'une urgence vitale au téléphone, et parfois rude, avec des conversations qui peuvent virer au bras de fer. Les entretiens téléphoniques de la nuit du 28 juin 2006 ont-ils été menés correctement pour permettre d'apprécier à sa juste valeur l'urgence de la situation ? Le tribunal devrait en décider d'ici à la fin de l'année.
 
Télescopage
La nouvelle ne pouvait pas tomber à un plus mauvais moment pour le CHU de Poitiers. La décision rendue par le juge d'instruction arrive alors que l'établissement est sous les feux de la rampe de l'actualité pour mettre en valeur le travail de toutes les équipes des urgences. Le premier épisode des six épisodes la série « 24 heures aux urgences », tournée en octobre dans les locaux du CHU, est diffusé jeudi soir sur TF1. Cette série permet de découvrir le travail quotidien des soignants.
 

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