dimanche 6 novembre 2016

Urgences préhospitalières-rapport SUAP 2016 : " Mais qui commande dans cette boutique !"

Voici résumé par cette phrase l'exaspération soulignée par le co-rapporteur du rapport SUAP 2016, le sénateur Pierre-Yves Collombat...

Texte source HOSPIMEDIA

Dans un paysage hexagonal marqué par une césure tenace entre urgentistes et pompiers, la commission des lois du Sénat dénonce la vision angélique dont ferait preuve le ministère de la Santé sur le secours à personne. La désorganisation actuelle ne peut plus durer, avertit-elle, réclamant instamment la systématisation des centres communs 15-18.

En dévoilant ce 19 octobre un rapport sur le Secours à personne : propositions pour une réforme en souffrance, la commission des lois du Sénat s'attaque une nouvelle fois de front à un vieux dossier qui envenime depuis longtemps les relations entre urgentistes et pompiers : les plateformes communes 15-18 (1). Ce sujet est l'illustration même de ce conflit historique qui perdure encore aujourd'hui entre les blancs et les rouges, le ministère de la Santé et son pendant de l'Intérieur. D'un côté, les responsables nationaux de l'urgence, Samu-Urgences de France (SUDF) et Conseil national de l'urgence hospitalière en tête (CNUH), y sont farouchement opposés, seule l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf) se démarque de cette position pour se rapprocher de celle défendue par les pompiers. De l'autre, ces derniers justement, sous la bannière de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), réclament de longue date des plateformes mutualisées. Et si ce n'est plus 15-18 dans leur globalité, ils demandent à tout le moins depuis un an des centres 112 regroupant tous les aspects du secours — police, gendarmerie, pompiers — et la partie de la santé gérant le secours médicalisé, en gros les Smur (lire ci-contre). "On a parfaitement conscience qu'on ne va pas soulever un enthousiasme extraordinaire avec ce rapport, nous ne nous faisons aucune illusion", a d'emblée admis devant la presse le sénateur Pierre-Yves Collombat, corapporteur à gauche (Rassemblement démocratique et social européen, Var) avec sa collègue de droite Catherine Troendlé (Les Républicains, Haut-Rhin).

"On y arrivera par la force des choses !"

De leurs auditions, les deux parlementaires ne cachent pas qu'il leur a encore une fois souvent été remonté, du moins chez les acteurs nationaux de la santé, qu'urgentistes et pompiers avaient "deux cultures différentes", raison pour laquelle les rapprocher serait de fait "contre-nature". "Ils ont toutes les bonnes raisons qui font que chacun préfère rester chez soi et les moutons seront bien gardés !" s'agace Pierre-Yves Collombat. Il dénonce au passage l'attitude de la DGOS sur le sujet : "À l'entendre, c'est "Circulez, il n'y a pas de problème, les Samu sont présents partout !" Mais ce n'est pas la réalité, il existe de véritables carences du ministère de la Santé !" Et sa consœur alsacienne d'étayer ses propos en rappelant que les interventions de secours à personne des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ont bondi de 55% entre 2004 et 2014 avec un pic à 87,2% dans le Lot. Par conséquent, le secours à personne représente désormais 76,6% des interventions des pompiers, la lutte contre les incendies uniquement 7%. On assiste à "un report de charge de la santé sur les pompiers, commente le président de la commission, le sénateur Philippe Bas (Les Républicains, Manche). Mais la situation financière des départements fait que ça ne peut plus durer."
Comme le pointent ses deux corapporteurs, les raisons de ce glissement sont triples : les pompiers sont souvent plus facilement accessibles ; le ministère de la Santé se décharge ainsi de certaines sorties assumées à moindre coût par les pompiers ; ces derniers compensent de leur côté la diminution de leurs tâches dites "classiques". Le rôle de "supplétifs" qui devrait qualifier les Sdis en matière de secours à personne ne correspond donc plus à la réalité. Et la coordination étant pour le moins "médiocre" si ce n'est "absente", il en résulte parfois une "surprésence" urgentistes, pompiers et ambulanciers sur certains accidents, dénoncent les sénateurs, soit "un véritable gaspillage humain et financier". Il faut donc "remettre à plat le dispositif initial", insistent les deux corapporteurs. Et on y arrivera par la force des choses ! Le système est devenu trop empirique pour être durable, d'autant que les conditions de financement des Sdis par les départements ne sont plus assurées." Et pour compliquer cette donne budgétaire, les hôpitaux ne défraient que 118 euros le déplacement des pompiers quand le coût réel approche plutôt les 300 à 500 euros, glisse Catherine Troendlé. Sans compter, ajoute-t-elle, que certains établissements rechignent à payer les factures "rubis sur l'ongle" tardant parfois dix-huit à vingt-quatre mois.

"Mais qui commande dans cette boutique ?"

Dans le désir de parvenir à généraliser les plateformes communes Samu-Sdis (2), les sénateurs louent les exemples actuellement en vigueur à Annecy (Haute-Savoie) ou Tours (Indre-et-Loire). "Si des plateformes communes existent, c'est bien que ça doit être possible ! Il faut chasser derrière nous ces querelles anciennes qui dit que la qualité du secours assurée par les pompiers serait inférieure à celle du Samu", s'emporte Pierre-Yves Collombat. À tout le moins, l'idée est que l'État oblige à créer de telles plateformes, dans l'idéal des structures parfaitement intégrées, à défaut des ossatures interconnectées en matière d'information. Mais là aussi le ministère de la Santé en prend pour son grade, accusé par les corapporteurs de ne pas avoir pris l'attache de l'Intérieur quand il a lancé son appel d'offres pour déployer son programme de modernisation des systèmes d'information et de télécommunication des Samu (SI-Samu). "Il nous rétorque que demain ce SI sera opérationnel avec les Sdis avec l'aide d'un logiciel supplémentaire. On aurait quand même pu dès le départ initier un appel d'offres commun !" Sans compter que, pour compliquer la donne, "tous les Sdis ont des logiciels différents..." Et quand les responsables de l'urgence rétorquent que les exemples de plateformes sont avant tout personne-dépendant et ne résistent pas au départ des protagonistes, à l'instar de ce qui a pu se passer à Angers (Maine-et-Loire), là encore les sénateurs voient rouge : "Mais qui commande dans cette boutique ? Ils ont des supérieurs hiérarchiques ? C'est à l'interministériel de se mettre d'accord pour justement éviter qu'un départ de personnes ne mette à mal le dispositif de coopération."

Les dix propositions de la mission sénatoriale

  • Programmer la mutualisation physique des plateformes d'appel 15-18 dans tous les départements en intégrant les permanences ambulancières ; à court terme, prescrire l'obligation d'interconnecter les deux centres ; prévoir parallèlement, pour le cas spécifique des Samu regroupés, une mutualisation des centres de traitement des appels avec un partage de plages horaires adapté à l'effectif en personnel de chaque centre ;
  • Sectoriser la compétence des différents services intervenant dans le secours à personne : les pompiers en premier rang dans les territoires ruraux précisément délimités selon leur éloignement d'un Smur ; les Smur le dans les agglomérations et partout en cas d'urgences graves ;
  • Mutualiser les hélicoptères des services d'urgence (helismur) et de sécurité au niveau zonal et établir des règles d'implantation ;
  • Instituer auprès du Premier ministre une autorité responsable de l'application du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente ;
  • Généraliser et organiser la sectorisation territoriale pour la permanence des soins ambulatoires avec un système d'astreintes comme porte d'entrée des secours ;
  • Intégrer tous les médecins sapeurs-pompiers volontaires au dispositif des médecins correspondants du Samu ;
  • Permettre aux Sdis d'armer un véhicule de secours et d'assistance aux victimes avec un équipage de deux sapeurs-pompiers pour les interventions de transports sanitaires ;
  • Prévoir une interdépartementalisation des moyens pour certains risques spécifiques dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) ;
  • Élaborer le SDACR en concertant tous les acteurs compétents en matière de sécurité civile pour une meilleure articulation avec les schémas régionaux d'organisation des soins ;
  • Assurer un échange régulier de données entre les différents acteurs de la sécurité civile.



(1) En octobre 2012, un rapport d'information sur les investissements de la Sécurité civile, déjà réalisé au nom de la commission des lois du Sénat, insistait pour développer les plateformes communes 15-18. Un an plus tard en novembre 2013, c'est la Cour des comptes qui réclamait une loi pour obliger la création de ces mêmes centres d'appel communs.
(2) Vingt Sdis ont aujourd'hui mis en place un centre commun 15-18, qu'il soit physique (seize plateformes dans l'Ain, l'Ardèche, l'Ariège, l'Aude, le Cher, l'Hérault, l'Indre-et-Loire, le Lot-et-Garonne, le Puy-de-Dôme, les Pyrénées-Orientales, la Haute-Savoie, le Vaucluse, les Vosges et l'Essonne) ou virtuel (six plateformes en Corrèze, Ille-et-Vilaine, Loire, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire et Oise).

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1 commentaire:

  1. Le probleme vient de l'ego surdimensionne de la plupart des "dirigeants" blancs ou rouges... Chacun fait sa sauce dans son coin persuadé de sa supériorité... Des protocoles locaux, des commandes de materiel pour briller, la bagarre pour etre DSM sur un exercice pendant que 200 patients attendent aux urgences....etc (je parle meme pas des sorties smur inutiles pour augmenter l'activite..)

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