dimanche 9 février 2014

Permanence des Soins : l'ONI en faveur d'un statut d'infirmière praticienne de premier recours.

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Infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes, entendus jeudi 6 février par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, souhaiteraient que la loi les charge de missions de permanence des soins. Didier Borniche, président de l'Ordre infirmier, s'est prononcé en faveur d'un statut d'infirmière praticienne de premier recours. 

 


La mission d'information sur l'organisation de la Permanence des soins (PDS) de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, présidée par le député Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), a procédé, le jeudi 6 février à l'audition des paramédicaux représentés par leurs ordres.
Didier Borniche, président de l'Ordre national des infirmiers (Oni), a, d'abord souligné que "les infirmiers ne font pas légalement partie de la PDS qui est  dévolue aux médecins, pharmaciens et établissements de santé" et a déploré que la loi Hôpital-Patients-Santé-Territoire ait "oublié" les infirmiers alors "qu'ils jouent un rôle majeur dans la prise en charge de premier recours".
"Les infirmiers libéraux ont une obligation de continuité des soins"
Si les infirmiers n'ont pas une obligation de mission de service public dans le cadre de la PDS, "ils ont une obligation de continuité des soins quand ils ont pris un patient en charge" et cela se fait, a-t-il dit, "souvent à des heures tardives qui relèvent plus de la PDS".

"Les patients à domicile nécessitent des soins de plus en plus lourds, parce qu'il s'agit de patients polypathologiques ou parce qu'ils sortent de plus en plus tôt de l'hôpital", a souligné le président de l'Ordre infirmier.

Les infirmiers font dans la réalité de la PDS

Didier Borniche a cité en exemple le cas des patients sous anti-coagulants injectables "qui nécessitent une présence et une surveillance, seulement rémunérée à AMI 1, soit 3,15 euros, hors majoration de nuit, de dimanche ou de jour férié".
Il a souligné également le cas des infirmiers qui injectent des poches d'antalgiques dans des cathéters pour les patients qui sortent à N+1 après une chirugie orthopédique. Or, dans ce cas, un médecin doit pouvoir intervenir à tout moment. "Ils agissent ainsi seuls en dehors de leur cadre reglementaire d'exercice et mettent en cause leur responsabilité civile", a-til précisé.
Autre difficulté soulignée par le responsable de l'ordre, celle concernant la coordination des soins : "quand le patient revient à domicile avec un traitement qui a changé", alors que "dans peu de cas une fiche de liaison est remise au patient à destination de l'infirmier libéral".
"C'est à la loi de changer les choses"
Didier Borniche a ainsi reproché aux ARS "de ne pas prendre en compte les infirmiers exerçant en libéral ou dans des établissements médico-sociaux dans la démarche d'organisation de la permanence des soins ambulatoire", mis à part l'expérimentation d'infirmière de nuit en Ehpad en Ile-de-France. "C'est à la loi de changer les choses", a déclaré Didier Borniche.

Une réflexion sur les nouveaux métiers

Cela doit s'accompagner d'une réflexion sur les nouveaux métiers, a défendu Didier Borniche qui souligne l'apport potentiel des infirmiers pour "un prédiagnostic, des examens techniques courants ou le renouvellement d'ordonnances dans le cadre de pathologies chroniques".
Et de citer les compétences élargies des paramédicaux à l'étranger : concernant le tri des urgences, en Suède, des infimières dans les centres de d'information de santé  peuvent donner des conseils ou juger qu'une prise en charge en urgence est nécessaire. Au Royaume-Uni, "des conseillères infirmières qui ont cinq ans d'expérience dialoguent avec les appelants, réalisent une évaluation clinique des symptômes et adressent ensuite les patients au segment les plus appropriés des soins.". Cela nécessite "une compétence hautement spécialisée des infirmiers" et "une formation solide"
Autre exemple, celui de l'Advanced nurse practitioner au Royaume-Uni, "une infirmière de pratique avancée de premier recours ou soins primaires qui exerce en complémentarité avec les médecins généralistes par exemple au sein des maisons de santé". Ces infirmiers qui ont suivi une fomation supplémentaire de niveau master "interviennent dans deux champs spécifiques, la délivrance  des soins de première ligne et la prise en charge des maladies chroniques", a expliqué le président de l'Ordre.



"L'accès au soin est amélioré car cela réduit le temps d'attente des patients. Les conditions d'exercice des professionnels sont aussi améliorées"

"Ces infirmiers servent de porte d'entrée dans le système, sans remettre en cause la sécurité des soins, l'infirmier pouvant à tout instant orienter le patient au médecin" , a précisé Didier Borniche, soulignant l'avance en matière de coopération en la matière dans les pays scandinaves et anglo-saxons  "pour répondre à des problèmes de démographie médicale mais aussi en raison d'une recherche d'optimisation des coûts".

En Suède, des infirmiers spécialisés peuvent depuis 1994 prescrire des traitements dans un cadre strict. Depuis 2006, au Royaume-Uni, ils peuvent  "prescrire tous les médicaments sauf les stupéfiants".
"L'accès au soin est amélioré car cela réduit le temps d'attente des patients. Les conditions d'exercice des professionnels  sont aussi améliorées, surtout le développement de compétences infirmières complémentaires des médecins engendrent de nouveaux services. L'efficience du système de santé passe par ce renforcement des soins primaires", a estimé Didier Borniche. Autre exemple cité :  les 3000 strutures gérées exclusivement par des infirmières en techniques avancées aux Etat-Unis ouvertes 7 jours/7 pour les soins primaires.

Pour un statut d'infirmière praticienne de premier recours

Le président de l'Ordre se positionne en faveur d'un "statut d'infirmière praticienne en soins de premier recours de niveau master" pour la prise en charge de soins non programmés, la consultation de suivi des pathologies chroniques, l'éducation thérapeutique, la vaccination sans prescription,...  
Il propose que soit expérimentée "une consultation infirmière de première ligne" qui permettrait "d'apprécier les conditions de rémunération et de formation de ces infirmières praticiennes ainsi  que de fixer  leur cadre d'intervention et leur dégré d'autonomie et de responsabilité", ce qui nécessite "une évolution du cadre d'exercice en l'organisant par missions". 
"Une élévation du niveau des compétences"
"Le débat est mûr en France pour réfléchir à ces métiers intermédiaires", affirme-t-il, soulignant l'apport du Plan Cancer 3 avec l'annonce de la création d'un métier d'infirmière clinicienne en cancérologie pour des examens complémentaires et la reconduction de traitements spécifiques, sur la base d'une formation master. C'est "le maillon manquant, comme vient de l'indiquer le rapport des sénateurs Génisson et Million" , remarque-t-ilCes professions nouvelles entraîneront "une élevation du niveau de  compétences", explique Didier Borniche.

Une telle évolution serait également une réponse aux déserts médicaux alors que "44 % des infirmières libérales exercent dans des communes de moins de 20 000 habitants. (...) On aurait tort de se priver de cette ressource sanitaire". Il a  également posé  la question de la prise en charge en Ehpad et le problème de l'absence d'une infirmière de nuit dans 85 % des Ehpad alors que cela "permettrait de faire baisser de 38 % le taux d'hospitalisation et d'éviter 18 000 hospitalisation par an dans les services d'urgence", comme l'indiquent les chiffres du rapport de l'Observatoire de fin de vie. "Ce qui représente un important coût financier et humain", a-t-il ajouté.

Une volonté de travailler avec les ARS

"Est-ce que vous avez déjà eu des relations institutionnelles avec les ARS sur cette question de la permanence des soins ?", a demandé Jean-Pierrre Door à l'Ordre. "A ma connaissance, non", a répondu le président de l'Oni. "C'est un souhait émis par notre Ordre.
"Chaque cabinet infirmier libéral se retrouve être de fait de garde puisque les infirmières répondent au téléphone pour les urgences (...) Nous répondons également à des sorties d'hôpitaux le dimanche pour les injections, les pansements", a précisé Jean-Yves Garnier, infirmier libéral dans la région caennaise qui a regretté l'absence de cadre légal. Cette évolution explique le regroupement d'infirmiers dans un même cabinet pour permettre des roulements, a-t-il ajouté.
"Chaque cabinet infirmier libéral se retrouve être de fait de garde puisque les infirmières répondent au téléphone pour les urgences"
"Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un lien entre les maisons médicales de garde et les infirmiers ?", a encore interrogé le député UMP. "Il serait tout à fait possible d'organiser ce lien", a estimé Jean-Yves Garnier, faisant valoir le maillage serré de cabinets infirmiers sur le territoire.

Quant à l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes auditionné à la suite de l'Oni, il a tenu à rappeler aux parlementaires que la profession s'était d'elle-même organisée pour assurer la PDS et prendre en charge en urgence des enfants souffrant de bronchiolite, par exemple. La rapporteure Catherine Lemorton (SRC, Haute-Garonne) a souhaité savoir si la profession attendait un texte législatif qui impose mais également encadre la PDS. "Ce serait tout à fait bien qu'il y ait un texte qui l'organise", a répondu François Maignien, le vice-président du Conseil national de l'Ordre. "Notre présence ici va dans ce sens", a renchéri son président, Jean-Paul David.
Cyrienne Clerc
Source : www.actusoins.com

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