mercredi 1 janvier 2014

Quand les infirmières font offices de Bed Manager ....

Image d'illustration
Pour gérer l’afflux de patients aux Urgences pour adultes, des infirmières sont entièrement détachées à la gestion des lits 
 
Les Urgences, quand on y va, on sait que l’aventure risque de durer. Le personnel médical qui y officie sait que les patients, au bout de quelques heures d’attentes peuvent commencer à s’échauffer. En chiffre, ce sont presque  90 000 patients qui se présentent chaque année dans ce service du CHU de Rouen. Près d’un tiers est hospitalisé, les deux autres tiers sont soignés puis renvoyés chez eux dans la journée. Mais c’est pour le premier tiers que ça se complique : le temps pour les Urgences de trouver un service et un lit disponible pour les recevoir, il peut se passer des heures…
 
Depuis un an et demi, au CHU de Rouen, des infirmières sont complètement détachées à la gestion des lits. On les appelle les bed managers. Houria, 48 ans et Florence, 43 ans, sont deux d’entre elles. Elles sont toutes les deux infirmières depuis au moins 20 ans et respectivement « dans la boutique » depuis huit et seize ans. Les deux bed managers connaissent donc bien l’organisation des Urgences et le fonctionnement des services. « On ne peut pas arriver jeune diplômé à ce poste, il faut bien connaître le service et les autres établissements ».
 
Chaque matin, l’une d’entre elles assiste au staff : la réunion avec le personnel médical. L’infirmière évalue ainsi le nombre de patients à qui elle doit trouver une chambre au sein de l’institution, ou ailleurs. Les patients peuvent être placés dans des cliniques rouennaises ou dans d’autres centres hospitaliers plus éloignés dans la région.
 
Le marathon peut ensuite commencer : il faut trouver des lits pour les patients qui attendent aux Urgences. Les deux infirmières brandissent leur première arme : le téléphone. Elles passent coups de fils sur coups de fils aux différents services de l’hôpital : « Bonjour, dites-moi, j’ai une petite dame de 93 ans avec moi, mais pas de place en gériatrie, vous avez une petite place pour moi? » Quitte à parfois sombrer dans le harcèlement : « On s’excuse parfois, on pense les harceler, mais les services savent qu’on est obligés de les appeler ».
 
Et la course continue, avec l’écran d’ordinateur qui montrer l’évolution de la prise en charge des patients. Selon les couleurs et les sigles, Houria et Florence savent si le patient a été vu par un médecin, s’il a fait des examens, s’il est en attente de transport, ou en attente tout court, debout ou assis. La pire couleur sur ce tableau ? Le rouge, il signifie que quelqu’un attend son hospitalisation depuis plus de six heures. La mission peut les déborder parfois, surtout si elles sont seules. Quand ça déborde dans le service, on peut stresser, mais quand on est deux, c’est plus rassurant »
Si les deux bed managers sont d’abord des gestionnaires, elles sont toujours en contact avec les patients, Pour des soins parfois et aussi pour s’informer un peu plus sur les personnes qu’elles placent dans les services. Surtout les personnes âgées. « On essaie de connaître leur mode de vie, savoir si elles sont autonomes, si elles ont des troubles cognitifs, si elles peuvent se déplacer »
Avant, c’étaient les médecins des Urgences qui assuraient cette gestion des lits. Un temps fou qui n’était donc pas accordé aux malades. Viannay, 33 ans, médecin depuis cinq ans aux Urgences confirme : « Les bed managers révolutionnent notre façon de travailler, elles nous mâchent le travail. Avant on passait une dizaine de coups de fils pour pouvoir placer nos patients, maintenant on en passe plus qu’un pour donner nos préconisations au médecin qui réceptionne. » D’autant que les infirmières gestionnaires sont rodées : « Elles ont l’habitude du service, sentent le malade, savent s’il risque de rester »
 
Evidemment, ce service a ses limites. Quand il n’y a pas de lits disponibles, on ne peut pas les inventer. Florence hausse les épaules : « On ne peut pas faire de miracles« , même si elle s’y efforce. Quant à Houria : « Je me sens soulagée quand je quitte les urgences et que je vois sur l’écran qu’il n’y a plus de rouge, que personne n’attend depuis plus de six heures ». Les deux bed managers enchaînent : « Oui mais tu les retrouves le lendemain matin ».
 

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