mercredi 1 janvier 2014

Arrêt Cardiaque 2014 : vers une remise en cause de l'hypothermie thérapeutique ?

 
Hypothermie thérapeutique , image Google, mot clé : hypothermie thérapeutique et arrêt cardiaque
Les patients pris en charge après un arrêt cardiaque extra-hospitalier (ACEH) récupéré ont une mortalité élevée, et pour les survivants un risque important de dysfonction cérébrale majeure [1]. Une hypothermie thérapeutique modérée est actuellement préconisée par les recommandations internationales [2], bien que les preuves scientifiques de l’efficacité de cette stratégie restent limitées [3-5]. De plus, la température cible permettant d’obtenir le meilleur pronostic post-ACEH n’est pas déterminée. L’objectif de cette étude était de comparer 2 températures cibles, respectivement 33°C et 36°C, chez les patients inconscients hospitalisés en réanimation après un ACEH récupéré.

Méthodologie :
Cette étude multicentrique internationale randomisée avait pour objectif d’inclure 950 patients pris en charge après un ACEH de cause cardiaque présumée, et ayant récupéré une activité hémodynamique spontanée mais toujours inconscients (score de Glasgow < 8). Les patients étaient répartis en 2 groupes différents selon la température cible, 33°C versus 36°C, qui était maintenue durant les 28 premières heures suivant l’admission en réanimation. Le critère de jugement principal était la mortalité toutes causes confondues durant la période de l’étude (6 mois), et le critère secondaire de jugement était un critère composite regroupant la mortalité à 6 mois et l’état neurologique évalué par un médecin indépendant selon le score de performance cérébrale (CPC) et l’échelle modifiée de Rankin.

Résultats :
L’analyse primaire a concerné 939 patients. A la fin de la période de l’étude, la mortalité était de 50% (235/473 patients) dans le groupe 33°C, versus 48% (225/466 patients) dans le groupe 36°C (risque relatif par rapport au groupe 33°C = 1,06 ; intervalle de confiance à 95% [0,89 - 1,28] ; P = 0,51). Au 180ème jour, 54% des patients du groupe 33°C étaient décédés ou avaient une dysfonction cérébrale majeure selon le score CPC, versus 52% des patients du groupe 36°C (risque relatif par rapport au groupe 33°C = 1,02 ; intervalle de confiance à 95% [0,88 - 1,16] ; P = 0,78). Après ajustement selon les facteurs de risque classiques et en intention de traitement, il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes.

Conclusions :
Chez les patients survivants après un ACEH, l’instauration d’une hypothermie à 33°C n’apporte pas de bénéfice en comparaison avec le maintien d’une température cible fixée à 36°C.

Points forts de l’étude :
Il s’agit d’une étude multicentrique randomisée ayant inclus un nombre important de patients, et dont le critère de jugement principal (mortalité à 6 mois) peut être considéré comme robuste.
Les auteurs ont inclus tous les ACEH d’origine cardiaque présumée, et ce quel que soit le rythme initial « choquable » ou « non-choquable ».
Cette étude répond à une question importante concernant la température cible optimale pour la prise en charge des patients en post-ACEH. Ce point n’avait en effet pas été correctement évalué dans les deux études princeps de Bernard [3] et du groupe HACA [4], pour lesquelles le biais habituellement mis en avant était la température dans le groupe normothermique, considérée comme trop élevée, (entre 37°C et 38°C) et qui correspondait donc en réalité à un état d’hyperthermie modérée, dont le caractère délétère en post-arrêt cardiaque est a contrario prouvé.

Points faibles de l’étude :
Les modalités d’induction de l’hypothermie n’étaient pas uniformisées et laissées à la discrétion des différents centres investigateurs : remplissage vasculaire avec du liquide froid, application de packs glacés, techniques endovasculaires invasives (cathéter central) ou techniques externes …  Or d’une part les vitesses d’induction de l’hypothermie ne sont pas similaires selon ces dispositifs ou techniques, et d’autre part certaines comme le remplissage vasculaire ne sont pas dénuées d’effets hémodynamiques spécifiques.

Messages à retenir :
Dès sa publication « on-line » sur le site du New England Journal of Medicine, cette étude a été à l’origine de discussions animées entre les différents médecins pré-hospitaliers et hospitaliers amenés à prendre en charge des patients en post-ACEH.
En effet, depuis les travaux de Bernard et ceux du groupe HACA [3,4], une « hypothermie thérapeutique modérée » était préconisée d’après les recommandations internationales sur la prise en charge de l’arrêt cardiaque [2]. Mais alors que les travaux récents s’intéressaient plutôt soit au type d’arrêt cardiaque sur lequel l’hypothermie devait être appliquée (rythme initial « choquable » ou « non-choquable » ?) [6], soit à la précocité de l’induction de cette hypothermie thérapeutique (intérêt d’une induction dès la phase préhospitalière ?) [7], la question de la température cible optimale avait généralement été éludée, considérant la zone 32°C à 34°C comme une donnée définitivement acquise.
Cet article suscite donc de nombreuses interrogations, et sur sa seule base certaines équipes considèrent désormais qu’un objectif d’hypothermie autour de 35°C à 36°C serait probablement « plus raisonnable ». A l’inverse, pour quelques auteurs fervents adeptes de l’hypothermie thérapeutique, l’interprétation en est radicalement opposée : cet article serait la preuve flagrante que l’hypothermie telle qu’elle est réalisée actuellement est inefficace simplement en raison d’un délai d’induction trop long avec les techniques conventionnelles, et que par conséquent des techniques plus efficaces et donc nécessairement plus invasives doivent être envisagées [8].
En conclusion, s’il est établi que toute hyperthermie ≥ 38°C doit être combattue en raison de ses effets délétères prouvés dans la phase de post-arrêt cardiaque, l’hypothermie thérapeutique modérée n’a pas montré sa supériorité face à un contrôle strict de la température  en normothermie, et les deux stratégies semblent donc licites en l’état actuel des connaissances. Plus que jamais, la question de l’hypothermie thérapeutique modérée reste donc le « hot-topic » ! de la prise en charge de l’arrêt cardiaque…

Références
1.  Moulaert VR, Verbunt JA, van Heugten CM, Wade DT.  Cognitive impairments in survivors of out-of-hospital cardiac arrest: a systematic review. Resuscitation 2009 ; 80 (3) : 297-305.
2.  Peberdy MA, Callaway CW, Neumar RW, Geocadin RG, Zimmerman JL, Donnino M, et al. ; American Heart Association.  Part 9: post-cardiac arrest care: 2010 American Heart Association Guidelines for Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care. Circulation 2010 ; 122 (Suppl 3) : S768-S786.
3.  Bernard SA, Gray TW, Buist MD, Jones BM, Silvester W, Gutteridge G, et al.  Treatment of comatose survivors of out-of-hospital cardiac arrest with induced hypothermia. N Engl J Med 2002 ; 346 (8) : 557-63.
4.  The Hypothermia after Cardiac Arrest Study Group.  Mild therapeutic hypothermia to improve the neurologic outcome after cardiac arrest. N Engl J Med 2002 ; 346 (8) : 549-4.
5. Arrich J, Holzer M, Havel C, Müllner M, Herkner H.  Hypothermia for neuroprotection in adults after cardiopulmonary resuscitation. Cochrane Database Syst Rev 2012 ; 9 : CD004128.
6.  Dumas F, Grimaldi D, Zuber B, Fichet J, Charpentier J, Pène F et al.  Is hypothermia after cardiac arrest effective in both shockable and nonshockable patients? Insights from a large registry. Circulation 2011 ; 123 (8) : 877-86.
7.  Kim F, Nichol G, Maynard C, Hallstrom A, Kudenchuk PJ, Rea T, et al.  Effect of Prehospital Induction of Mild Hypothermia on Survival and Neurological Status Among Adults With Cardiac Arrest: A Randomized Clinical Trial. JAMA 2013 Nov 17. doi: 10.1001/jama.2013.282173.
8.  Chenoune M, Lidouren F, Adam C, Pons S, Darbera L, Bruneval P, et al.  Ultrafast and whole-body cooling with total liquid ventilation induces favorable neurological and cardiac outcomes after cardiac arrest in rabbits. Circulation 2011 ; 124 (8) : 901-11.
 
Source : www.sfar.org/

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