samedi 7 septembre 2013

Les équipes du SAMU de Marseille au quotidien

Equipe du SMUR de Marseille au chevet d'une patient - Photo La Provence.com 
Ne pleurez pas monsieur, il faut me dire comment va votre femme." Christian Chaillol, médecin-régulateur au centre Samu 15 de la Timone, apaise de sa voix posée l'un des dizaines de "patients" qu'il ne verra jamais.
 
Dans cette pièce où les praticiens côtoient des assistants de régulation médicale (ARM) qui prennent les premiers éléments, on gère avec calme toutes les peurs et la détresse du monde. "Je ne pose pas de diagnostic, précise Christian Chaillol. J'évalue un état de gravité pour décider vite des moyens à mettre en oeuvre." En l'occurrence un "blanc", c'est-à-dire un Smur (Structure mobile d'urgence et de réanimation), une vraie salle de réa sur roues avec un médecin et un infirmier, et un "rouge", un véhicule de secours des pompiers pour les pathologies moins graves ou une ambulance privée hors urgence pure.
 
Ce centre 15 couvrant Marseille et les Bouches-du-Rhône, qui dépend de l'Assistance Publique - Hôpitaux Marseille (HP-HM), associe sur place des médecins libéraux vers qui s'orientent les appels pour les suivis classiques et la "bobologie".
 
10 heures. Une infirmière libérale qui vient prendre soin d'une retraitée de 80 ans appelle. "Je viens d'arriver, ma patiente ne bouge pas, son corps est froid." Nul besoin de déclencher un Smur, aucune réanimation possible. La dame est morte dans son sommeil. Cet été est un temps de solitude où nos aînés s'éteignent avant la première visite médicale, loin des leurs.
 
12 heures. "Aidez-moi, s'il vous plaît, aidez-moi, ma fille me harcèle." On entend derrière elle les cris de son enfant. Le médecin déclenche très vite les marins pompiers pour cette intervention à Marseille. Il évoque une possible intervention de la police. On pointe les limites du système de l'urgence. Comment faire face à un proche en crise, parfois violent, faute d'un Samu psychiatrique fonctionnant 24h/24 ?
 
15 heures. Les régulations se succèdent. Un jeune homme qui a pris de la cocaïne dit qu'il a "un bras raide". "Chaque fois, nous devons visualiser la scène au téléphone, demander à parler au patient s'il le peut." Le centre 15, sous l'égide de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, centralise des appels que les gens passent par habitude au 18, que ce soit aux sapeurs-pompiers ou aux marins pompiers marseillais. Patrick Benner, un médecin des marins pompiers, répond lui aussi dans la salle à l'urgence, avec un assistant du bataillon. "Des Smur partent de certaines casernes et nos forces se complètent." La connaissance du terrain des pompiers permet de combler certaines lacunes. "Souvent, en zone rurale, les gens ne connaissent pas leur adresse, explique Audrey, une ARM. Ils nous disent 'au bout du chemin', 'à l'arbre'. Il faut généraliser l'utilisation du numéro cadastral pour se localiser. Une minute à tourner, c'est du temps gâché pour sauver une vie."
 
18 heures. C'est le temps de l'urgence absolue. Un terrible accident de la route au Puy-Sainte-Réparade, motard contre cycliste. Un Smur d'Aix part. Mais les deux victimes ne peuvent être réanimées. L'un des deux hélicos utilisés par le Samu qui avait été lancé revient à sa base. Malgré l'armada des secours, la mort a gagné. Comme deux heures plus tard, quand une petite fille tombe du 8e étage, à Marseille. Mais il y a aussi toutes ces vies sauvées, dont témoignent des lettres de reconnaissance dans le couloir du Samu. "Un monsieur est venu nous voir avec du champagne, se souvient un infirmier. Il était revenu à la vie sans séquelles après qu'une de nos équipes l'a choqué 25 fois avec un défibrillateur au bord de la route." 
Le Dr Nathalie Fournier, 29 ans, prend le relais, souriante, solide face au désarroi.
 
23 heures. Jean-François Laude, l'un des médecins, revient d'un transfert d'un malade de 130 kg en hélico de Sisteron à l'hôpital Nord de Marseille. Nous l'accompagnons dans un Smur pour un homme avec des douleurs thoraciques. Arrivés sur place, surprise, le monsieur attend sur le trottoir. Mais lorsqu'il s'allonge sur le brancard, il est faible. Il veut appeler sa fille. Direction les urgences cardiaques de la Timone. Puis c'est le temps de "nuit profonde", des appels espacés, des plaisantins qui veulent "une ambulance parce qu'il fait chaud".
 
4 heures. Après plus d'une demi-heure de négociation pour trouver une place dans un service de néonatalité, nous accompagnons le Smur pédiatrique pour transférer deux jumelles d'une heure entre deux maternités. Deux nouvelles vies jusqu'avant l'aube.
 
"Il faut apprendre aux gens ce qu'est une urgence"
 
Marie-Flore, Valérie, Brigitte, Jonathan, Julien, Laetita et les autres assistants de régulation médicale qui filtrent les appels pour les médecins le répètent tous : "Il n'y a jamais eu la moindre campagne d'information grand public sur les urgences. On matraque sur les antibiotiques, les génériques mais il faut apprendre aux gens ce qu'est vraiment une urgence. C'est une nécessité. Et aussi rappeler qu'il faut appeler le 15 et plus le 18."
 
Il est vrai qu'au fil des appels, on découvre que nombre de patients ne nécessitent pas un véhicule de secours ou un transfert à l'hôpital. "En apprenant les gestes de secourisme, il faudrait aussi dire que certaines pathologies peuvent attendre le lendemain ou la visite d'un médecin traitant", reprennent les "veilleurs" du Samu.
 
Le docteur Christian Chaillol, médecin régulateur, parle ainsi en souriant du "COL". "Coefficient d'exagération local aussi nommé syndrome méditerranéen." Exemple... Peu avant 20 h, un habitué appelle le 15 pour "réclamer une ambulance". Sans le moindre signe d'essoufflement, il martèle : "Je m'étouffe, je le sais, je suis asthmatique depuis l'âge de 12 ans."
 
De plus, le transfert aux urgences n'est pas une garantie de confort. Jean-François Laude, l'un des médecins régulateurs revient des urgences neurologiques et cardiaques qui jouxtent le centre 15 à la Timone. "Au-delà des soins, les gens, leurs proches, sont reçus dans un tel confinement, sans confidentialité. Ce n'est pas un traitement humain." Il dit en avoir eu assez des urgences d'Aix "sous tension permanente" où il a exercé, du manque de respect global pour les patients dans ce contexte.
En dehors de ses permanences au 15, il exerce avec des collègues qui ont tous le même parcours dans une permanence médicale d'urgence (Permamed) à Gardanne. Mais ce type de structure, comme les maisons médicales, ne peut pas être le recours unique. Le Dr Lugassy, praticien libéral présent au 15, résume : "Il y a de moins en moins de médecins qui font des visites à domicile. Nous étions 33 au sein de Médecins Secours Marseille, nous ne sommes plus que trois."


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de votre participation !