dimanche 8 septembre 2013

Bourgogne : la mort lente du médecin de campagne

Image Google - médecin de campagne
Dans les campagnes bourguignonnes, il y a urgence. Malgré les efforts de l’État via le dispositif du Contrat d’engagement de service public (CESP) pour inciter les jeunes médecins généralistes à s’installer dans les déserts médicaux, la tendance démographique reste à la concentration dans les villes, autour des CHU et grandes cliniques. Or, du boulot, il y en a, auprès de ces Français ruraux, souvent isolés géographiquement, un public vieillissant ou en fin de vie, souvent hospitalisé à domicile.
À Imphy, petite ville d’un peu moins de 4.000 habitants près de Nevers, un médecin libéral tire la sonnette d’alarme. Auteur d’une pétition en mars 2013, ce praticien surchargé croule sous les rendez-vous dont il ne voit plus le bout et se donne un mois pour régler la situation. Par la force, par les médias, parce que les solutions administratives, il n’y croit vraiment plus. Les incitations financières ont une portée limitée, malgré un bel effet d’annonce dans les médias.
François, 26 ans, en cinquième année de médecine, lui, souhaite s’installer dans une zone rurale, mais le choix n’est pas si simple. Quid de la vie conjugale et de l’installation ? Les obstacles sont nombreux.

Zéro repreneur

« Si rien n’est fait, la prochaine étape, c’est le suicide professionnel. » André Chevalier caractérise la situation de « catastrophique » avec un grand K, dernière cartouche d’humour pour un homme à bout de nerfs. Ils ne sont plus que deux médecins généralistes pour une petite ville d’un peu moins de 4000 habitant, et ses environs. Auteur d’une pétition en mars 2013 avec Claude Forest-Aupetit, il demandait d’urgence le recrutement de collègues pour aider les deux praticiens à faire face à la demande de consultations. Les deux autres médecins ont mis aujourd’hui même la clé sous la porte.
« Je peux comprendre, Imphy n’est pas très attractif », admet Claude Forest-Aupetit. « Les deux médecins recrutés en urgence par Madame le maire partent le 31 août 2013. Nous ne serons plus que deux sur le secteur. Alors la charge de travail deviendra trop énorme. C’est un cercle vicieux, car on ne peut pas attirer de nouveaux médecins en disant cela, je crois que ça les dissuade de venir. »
La Nièvre, d’une manière générale attire peu les nouvelles générations de médecins généralistes. Les cabinets restent vides, ne trouvent plus de repreneur à même de racheter la patientèle des généralistes partant à la retraite. L’Agence régionale de la santé en Bourgogne reconnaît que la situation de ce département « est en particulier défavorable tant au niveau de la médecine de ville que des recrutements hospitaliers (20 % des postes de praticiens hospitaliers restent sans occupant) ».
« Le département de la Côte d’Or accueille plus de 60% des médecins âgés de moins de 40 ans toutes spécialités confondues. A contrario, les médecins nivernais de moins de 40 ans représentent moins de 1% de la démographie régionale », détaille l’ARS dans son diagnostic régional résumant le profil des médecins en activité en 2013 en Bourgogne.
« L’analyse de la structure par âge des médecins généralistes en Bourgogne met en évidence un vieillissement de la profession. Les 55 ans et plus représentent 44,4% des médecins en activité contre 14,7% de moins de 40 ans. »

Réunion de crise

« J’ai convoqué une réunion de crise le 09 septembre prochain dès que j’ai été informée du départ de deux de nos médecins. J’ai envoyé une lettre à l’ensemble des professionnels de santé – institutions politiques et de santé », Joëlle Julien, maire d’Imphy est désabusée. Ils ont mis la clé sous la porte, l’un s’est décidé à la mi-juillet, le second, il y a 15 jours. Leur activité cesse aujourd’hui, 31 août. L’un parce que l’activité était trop importante et devenait ingérable, le tout, doublé d’une situation personnelle compliquée. « L’autre, je ne sais pas. »
Pourtant, la première femme d’Imphy est une battante, aux dires de tous. Elle a recruté ces deux médecins elle-même. « Deux essais, deux échecs », résume-t-elle avec une amertume contenue. « Je me contente d’attendre la réunion de septembre maintenant. » La ville a investi beaucoup de temps, beaucoup d’argent. « Si ce n’est pas viable, je ne peux pas passer mon temps à cela. » Mais pas de rancoeurs mal placées. Les instances départementale et régionale luttent pour l’accès aux soins de proximité et à l’égalité. Ils ne soutiennent pas spécialement Imphy, mais ils font comme ils peuvent. » Étrangement, la ville ne fait plus partie des zones fragiles définies par les politiques et n’a pas droit au dispositif du CESP.

Insuffisance du CESP

Depuis la rentrée universitaire 2010-2011, les médecins étaient incités à s’installer à la campagne dès l’université (la deuxième année d’études), grâce à la prime du CESP, 1.200 euros mensuels ainsi qu’un défraiement lors de l’installation dans les zones du territoire français où la continuité des soins est menacée. Pour la rentrée 2013, le dispositif s’étend aux futurs médecins odontologues (soins dentaires) avec 1500 contrats prévus d’ici à 2017.
Si le ministère de la Santé considère les progrès du dispositif « encourageants », il est à noter que les objectifs fixés ne sont pas atteints : quand 400 contrats ont été proposés, seulement 148 ont été signés. Méconnaissance du dispositif, manque d’informations précises et sentiment d’un engagement trop fort et trop précoce chez des étudiants qui hésitent encore sur leur choix de carrière, les raisons sont multiples.
« Le CESP, c’est pas mal si l’étudiant est de la région, s’il est sûr de vouloir faire de la médecine générale, s’il n’envisage pas de changer de voie, c’est bien pour celui qui vient du coin et qui veut y rester », résume François. En revanche difficile à concilier avec une vie de famille, loin de la ville « à moins que le conjoint n’exerce aussi une profession libérale… » François n’a pas bénéficié du dispositif, par manque d’information, mais aussi parce qu’il était trop tôt pour fixer son choix. « Je viens de la campagne et ça ne me dérange pas d’être dans un endroit un peu paumé. »
« Mais je ne m’imagine pas, seul, à exercer dans le coin. Dans l’idéal, je travaillerais bien dans une maison médicale avec un ou deux autres généralistes, une infirmière, un kiné. En ce moment, les municipalités encouragent cela. »

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