vendredi 1 novembre 2013

SI j'étais urgentiste le 15 Octobre 2015 ...

Imaginez l'organisation des services d'urgences et SMUR de demain où l'infirmier est le maillon essentiel de la chaine des secours depuis que la réalité de la pénurie médicale ait eu raison des "Têtes bien pensantes" des nos instances gouvernementales. C'est à cet exercice que s'est livré JM Le Gac, médecin urgentiste, dans un article publié sur le Hunffingtonpost.
Ce qu'il y décrit dans sa fiction n'est pas si éloigné de la réalité ... Certains le pratique déjà, à l'image des Infirmiers Sapeurs-Pompiers ...

L'alerte est parvenue au centre de régulation de santé n°56. Le docteur A. regarde sur l'écran s'afficher le dossier médical personnel du patient, la standardiste vérifie en même temps que l'identité et l'adresse sont valides.
- Bonjour Monsieur B. je suis le médecin régulateur, que se passe-t-il?
Son visage semble tordu de douleur sur le visiophone. Il explique ce mal de ventre haut situé, qui le gêne depuis maintenant 3 jours mais est plus intense en ce moment.
-Pas d'antécédents particuliers, pas de traitement, méfions nous tout de même pense le docteur A.

-Prenez une dose de JEVAIMIEU ° dans la pharmacie réglementaire de secours, nous vous envoyons tout de suite quelqu'un.
Vanessa C. est Infirmière de Permanence de Soins et de Liaison (IPSL). Elle se dirige vers le 15 rue de la santé comme cela lui été indiqué. Elle fait partie des équipes déployées en lien avec le SAMU et l'hôpital depuis 2013. Elles servent à expertiser la nécessité d'hospitaliser les patients en urgence mais aussi à faire les premiers soins. Cela a été évalué plus pertinent que d'envoyer tout le monde à l'hôpital durant la garde.
Depuis la pénurie de médecins liée au numerus clausus des études médicales, la permanence de soins médicaux a été déléguée à ce service, en attendant que les étudiants médecins partis en Roumanie finissent de se former.Elle branche les capteurs sur le torse de Monsieur B.
ECG, pouls, tension artérielle, température, saturation sont instantanément transmis via sa tablette, sur le dossier du SAMU. Elle complète en prélevant une goutte de sang au bout du doigt de monsieur B. Dans un instant le test troponine exigé par le protocole complètera le bilan. Si monsieur B. fait un malaise, elle pourra faire les gestes d'urgence. Elle y est rompue et passe en laboratoire de simulation de soins d'urgence tous les six mois à l'hôpital. Elle se connecte en Visio avec le régulateur.
Ils conversent à trois : elle, le malade et le Dr A. A priori cela se confirme, une hospitalisation s'impose, l'indicateur du dossier est d'ailleurs en orange.
Cela ne semble pas un problème de cœur, peut être une appendicite à son début. Le Dr A. Clique sur le service d'accueil le plus poche et vérifie son taux d'occupation. Il valide la case admission urgences T3-56, le dossier médical y est envoyé.
L'IAO, infirmière d'accueil et d'orientation des urgences me demande de venir confirmer l'orientation du patient qui vient d'arriver chez nous. La formation spéciale qu'a eu ce personnel depuis les histoires de Marseille en 2013 est assez bluffante. Elles passent de la compassion rassurante auprès d'un patient anxieux à la contention physique par une clef de bras d'un excité en deux temps trois mouvements. Le taux d'agression aux urgences a depuis beaucoup diminué.
-Bonjour monsieur B. ne vous inquiétez pas. Nous allons vous mettre une perfusion et poursuivre l'antidouleur qui vous a déjà soulagé.
Je m'approche du brancard. Sur le dossier l'IAO a confirmé le Score de gravité 3 de tri. Il doit être admis sans trop tarder mais sans nécessité geste dans notre service sauf vérifier que la douleur s'est calmée. Il me faut juste valider le score de NNGU (non nécessité de geste aux urgences). J'échange un peu avec monsieur B, glisse ma main sur son ventre. Tout est parfait. Rien à redire. Il faudra effectivement simplement que mon confrère des étages le Dr D. vérifie si ce n'est pas une appendicite.
Dr D. est médecin permanent des accueils non urgents ( MPANU), dans l'aile réservée à cet effet. Les capacités de ce service sont modulables tous les matins selon les statistiques des flux prévisionnels mesurées à l' avance pour chaque année en cours. Encore une nouveauté depuis le plan MT (Marisol Touraine Ministre de la santé en 2013), les établissements n'attendent plus d'être bloqué avec des patients dans les couloirs aux urgences pour agir.
La petite sonnerie caractéristique lui a indiqué que le patient sera chambre 6 dans 15 minutes.L'infirmière n'a eu qu'à valider la touche du BedManager.
Ce petit logiciel compile, les données cliniques, le motif de recours, les entrées et sorties prévues et propose un lit disponible à un horaire donné dans l'hôpital tout en transmettant sur son smartphone au référent médical correspondant des étages, le lien vers le dossier, le niveau de tri et le lit où est admis le patient.
Depuis le mouvement de mécontentement des urgentistes d'octobre 2013 pour les problèmes de lits d'aval, mon métier d'urgentiste a bien changé. Je ne fais plus que des gestes d'urgences, gère les petit actes chirurgicaux suture et d'immobilisation. Il n'y a plus de patients pendant des heures interminables sur des brancards en attente de lits.
Nous avons encore notre antenne de SMUR. Celle-ci est désormais toute entière dédiée aux seules missions des urgences vitales extra hospitalières. Nous ne faisons des fois que 3 missions par jour mais entretemps, entrainement de simulation d'urgence et connaissance parfaite du matériel. Entre chaque sortie difficile, un repos "psychologique" avec un rapide bilan par questionnaire est devenu obligatoire.
Les enquêtes de l'autorité de santé, avaient trouvé le taux de suicide et d'addiction en tous genres dans notre profession anormalement haut. Le bip sonne de nouveau.
- Bizarre j'ai pourtant bien répondu que j'allais voir l'urgence grade 3.
Le beau sourire de l'infirmière d'accueil se dissipe petit à petit. Je cherche à tâtons mon réveil sur la table de nuit. C'est en fait aujourd'hui le mouvement de protestation des urgentistes.
Je ne faisais que rêver. Hier j'avais encore plus de trente patients aux urgences, aucun lit de disponible. Mon collègue des étages ma dit qu'il n'y pouvait rien, et m'a gracieusement proposé de me démerder tout seul, que ce n'était pas son problème "les urgences". Le directeur de garde, lui plus compatissant, m'a dit de faire "comme d'habitude".
Dimanche prochain il y a un trou dans le planning. Pourvu que cela ne tombe pas sur moi. Nous avons quatre postes de médecins vacants sur 15. En plus Catherine qui a pêté un câble vient d'être mise en arrêt longue maladie.
Mais quand on sera le 15 octobre 2015, Marisol Touraine nous l'a dit et nous l'a promis tout ira mieux. Ils s'en occupent au ministère.
 

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