mardi 18 mars 2014

Permanence des soins : Scandal dans le sud de la Creuse et plébicite des Infirmiers Sapeurs-Pompiers

 
Saint-Merd-la-Breuille, Lupersat, Saint-Oradoux-près-Crocq, Saint-Georges-Nigremont, Saint-Maurice-près-Crocq… La liste des communes où des habitants sont décédés dans des conditions qui interpellent les élus locaux ne cesse de s’allonger. Aussi, des responsables politiques, des sapeurs-pompiers, des médecins ont décidé, par le biais de La Montagne , d’alerter l’opinion. Pour eux, aucun doute possible, l’organisation des Urgences dans le sud de la Creuse ne donne pas satisfaction.
 
La parole se libère dans les campagnes
 
« Les gens sont abattus, résignés, angoissés », constate Valérie Simonet, infirmière libérale et conseillère générale du canton d'Auzances. Le 17 février, elle est intervenue lors de la réunion du Conseil général de la Creuse pour exprimer son inquiétude. Sa prise de parole a mis en évidence, publiquement, ce que les conseillers généraux qualifient de « dysfonctionnements ».
 
Lupersat : un brûlé décède
 
À quelques kilomètres du domicile de Valérie Simonet, dans un village de la commune de Lupersat, à Chez-Latour, un homme âgé de 82 ans, gravement brûlé, aurait attendu deux heures l'arrivée du SAMU. Un fait tragique qui a conduit l'élue à briser le silence.
Valérie Simonet a reçu l'appui de René Roulland, conseiller général de Crocq et de Philippe Breuil, conseiller général de La Courtine. Eux aussi, confrontés à des situations similaires, ils mettent en cause l'organisation actuelle des Urgences sur un territoire éloigné de Guéret (et des principales villes de la région).
 
C'est dans ce contexte que, juste avant la période de réserve imposée par les élections municipales, l'ARS du Limousin a adressé aux médias limousins le communiqué suivant : « À la suite des échanges qui ont eu lieu au cours de l'assemblée générale du Conseil général de la Creuse le lundi 17 février, lors des débats d'orientation budgétaires, l'ARS a été interpellée au sujet de la situation d'une personne âgée grièvement brûlée qui aurait attendu pendant près de deux heures les secours et d'une demande de création d'une antenne du Service médicale d'urgence et de réanimation (SMUR) à Aubusson. »
 
Dans son texte, l'ARS apporte des éléments de réponse aux deux interrogations : « Concernant la personne âgée, la description de la situation a été considérée comme grave et a conduit l'ARS à diligenter immédiatement une enquête. Les conclusions de cette dernière montrent que les délais d'intervention sont très inférieurs au délai de 2 heures évoqué publiquement et qu'en aucun cas les conditions de prise en charge n'ont entraîné de pertes de chances pour cette personne ». L'ARS ajoute des éléments concernant le SMUR :« Le 1 er janvier dernier, les pompiers d'Auzances ont été appelés à 9 heures du matin. Ils ont découvert dans une maison du village de Chez-Latour une personne atrocement brûlée mais encore en vie. Devant la gravité de la situation, une infirmière-pompier est venue de Gouzon. Un médecin d'Auzances est ensuite arrivé puis, au moins 2 heures après le déclenchement de l'alerte, le Samu. Le blessé a été transporté au CH de Guéret puis dans une unité spécialisée à Tours où il est décédé », affirme Valérie Simonet.
 
« Le malade est mort, victime d'un temps d'intervention beaucoup trop long »
 
Marie-Thérèse Agabriel, maire de Lupersat, habite le village de Chez-Latour. Elle connaissait bien la victime : « Chaque matin, son neveu qui est agriculteur dans le village, allumait sa cuisinière. Puis, il repassait vers 8 h 30. Le 1 er janvier, à son retour, il a constaté que la maison était fermée et il a vu de la fumée. Deux ronds de la cuisinière n'avaient pas été remis et les vêtements de la victime s'étaient embrasés. Il a découvert son oncle gravement brûlé, de la tête jusqu'aux genoux ».
 
L'élue, faisant référence à un problème de santé dont son petit-fils a été victime, ajoute : « Le week-end, ici, c'est problématique. Il n'est pas facile de s'expliquer par téléphone, d'autant plus que, confrontés à des situations angoissantes, on panique. Il faut attendre le médecin de garde qui vient parfois de loin. Il faut ensuite trouver la pharmacie. Quand mon petit-fils a été malade, nous avons attendu le médecin de Boussac et nous sommes allés chercher les médicaments au Montel-de-Gelat. Vous imaginez ! ».
 
Crocq : 4 morts en 2013
 
« L'an dernier, nous avons été amenés à intervenir pour 4 arrêts cardiaques. Bilan : 4 morts. L'attente moyenne est de 45 minutes, voire d'une heure. À trois reprises, le médecin de garde venait de Boussac, bourg distant d'une heure dix environ de Crocq. Nous constatons, au regard de notre activité, une progression de 20 % sur l'année des transports en ambulance. Nous notons un gros problème de régulation entre les pompiers et les ambulances privées pour des questions de tarifs. Le seul point positif, c'est la mise en place d'infirmiers sapeur-pompier qui suppléaient l'absence de médecins », témoigne un sapeur-pompier de Crocq qui tient à garder l'anonymat. Sa longue pratique sur le terrain lui permet de porter un regard inquiet sur la situation sanitaire actuelle. Il est rejoint en cela par le conseiller général du canton de Crocq, René Roulland.
 
« Voici un an, une personne a fait un infarctus sur un chemin à Saint-Oradoux-près-Crocq. Le médecin de garde était de Boussac. Le malade est mort, victime d'un temps d'intervention beaucoup trop long. Plus récemment, à Saint-Georges-Nigremont, une personne âgée et malade s'est étouffée en mangeant. Le SAMU est arrivé 1 h 15 après avoir été alerté. Les pompiers étaient là mais ils ne pouvaient rien faire. Aucun médecin sur place. Cette femme est morte. À Saint-Maurice-près-Crocq, une femme diagnostiquée au téléphone victime d'une crise d'asthme est en réalité décédée d'une embolie. Ce qui est en cause, c'est le diagnostic passé au téléphone, ce sont aussi et surtout des délais d'intervention beaucoup trop longs. Lorsque le médecin ou le SAMU arrivent, c'est souvent trop tard. »
 
Saint-Merd : mort à 43 ans
 
Philippe Breuil est marqué par le décès d'un homme âgé de 43 ans à Saint-Merd-la-Breuille. Il a été emporté par un infarctus voici à peine un mois. « La famille a appelé les secours à 5 h 37. Les pompiers sont arrivés à 6 h 04, le SAMU 19 contacté à 5 h 40 est arrivé à 7 heures. Or, chacun sait qu'en cas de malaise cardiaque, tout se joue dans les 25 premières minutes. Cet homme n'a pu être sauvé. Il est mort sous les yeux de sa famille. J'ai demandé une enquête. Tous les appels sont enregistrés. C'est donc facile à vérifier ». Il ajoute : « Qu'on le veuille ou non Guéret restera au moins à 45 minutes ou à une heure ou plus des villages du sud de la Creuse. Aubusson, c'est au moins 30 minutes de gagner. De quoi sauver bien des vies. C'est un choix politique » (*).
 
(*) Les trois cantons d'Auzances, de Crocq et de La Courtine sont promis, par la réforme territoriale, à ne plus faire qu'un. Ce projet controversé fait l'objet d'un recours. Les trois conseillers généraux sont solidaires dans la contestation de la réforme et aussi pour dénoncer l'organisation des Urgences sur leurs territoires.
 
Robert Guinot
 

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