La moitié des internes en médecine générale se disent menacés par le burn-out
(4 000 internes ont été interrogés lors de cette enquête)*. "65,4 % des internes
en stage hospitalier travaillent plus de 50 heures hebdomadaires", cela peut
atteindre 90 heures pour un stage aux urgences ou en chirurgie. Il en est de
même par nombre de médecins.
Depuis la réforme du plein temps à l’hôpital (Debré), on a mis la sphère
médicale un peu à part du droit du travail. La triple mission : soins,
enseignement et recherche, est devenue incompatible avec la semaine "des 35
heures". Il y a de plus un tabou, les internes ont l’habitude de se taire, car
ils ont le plus souvent besoin d’un poste de chef de clinique ou envie de faire
carrière dans le service". Ceux qui se rebellent risquent d’être mis au placard
par quelques mandarins tous
puissants.
La limitation de la durée de travail instaurée par la loi est inapplicable,
selon le porte-parole de l’Inter syndicat national des internes des hôpitaux
(ISNIH). "Cela impliquerait des embauches et la réorganisation des services",
explique-t-il. Quand un interne travaille comme un larbin 80 à 90 heures par
semaine pour faire tourner le service, c’est de l’esclavage et c’est
dangereux.
Le repos de sécurité, instauré il y a 10 ans, qui prévoit qu’un interne doit
disposer d’une période de repos de 24 heures à l’issue d’une garde n’est pas
respecté. Quant aux médecins 50 % se disent au bord du "burn-out".
1) Les études médicales n’ont pas été réformées depuis la suppression
des concours
Externat et Internat. Cela décourage l’élitisme et oriente les étudiants vers
les carrières les moins contraignantes. La surcharge de travail des spécialités
lourdes (anesthésie, chirurgie, obstétrique) explique ce "ras-le-bol", ce
d’autant que la récompense n’est plus au rendez-vous.
L’accès est libre en faculté avec 56 000 étudiants en 1re année. Le "numerus
clausus" impose ensuite une sélection draconienne, même si l’on a porté à plus
de
8 000 le nombre de places en 2e année. C’est un gâchis (17 % de reçus). En conséquence, plus de 20 000 étudiants français sont partis faire leurs études à l’étranger (Belgique et Roumanie), reviendront-ils ?
8 000 le nombre de places en 2e année. C’est un gâchis (17 % de reçus). En conséquence, plus de 20 000 étudiants français sont partis faire leurs études à l’étranger (Belgique et Roumanie), reviendront-ils ?
L’augmentation des effectifs ne pourrait avoir d’effets significatifs
qu’après 2015. La féminisation qui appelle le temps partiel et les carrières
écourtées atteint 70 %, ce qui rend toute prévision aléatoire.
Un étudiant coûte chaque année 30 000 euros. Il faut stopper ce gâchis.
L'entrée en faculté de médecine devrait être limitée en séparant d’emblée le
médical et la paramédicale ou par une réorientation en 2e année, mais
l’égalitarisme et le droit à l’accès libre ne le permettent pas !
2) L’ENC (l’Examen National Classant) offre plus de places qu’il n’y
a de candidats
La suppression du concours de l’INTERNAT en 2002 empêche toute sélection
puisqu’elle a été faite dès le début des études de médecine sur des critères qui
ne permettent pas de savoir s’ils donneront de bons praticiens (cette sélection
qui ne fait pas appelle au raisonnement élimine les QI supérieurs à 120, comme
le montre une étude sérieuse du ministère des Universités chez les recalés).
L’absentéisme lors des stages hospitaliers dans le but de mieux préparer
l’ENC détourne l’étudiant de la formation clinique. De nombreux postes
hospitaliers dont les gardes sont trop fréquentes et les responsabilités trop
lourdes ne sont même plus choisies. Nombre d’étudiants préfèrent redoubler une
année plutôt que de choisir une spécialité ou une ville de faculté qui ne leur
conviendrait pas.
Ainsi 600 postes de médecine générale ne sont pas pourvus depuis plusieurs
années (un peu plus de 200 en 2013). Avec un zéro on peut être interne. C’est
une insulte au bon sens. La réforme prévoit d’obliger l’étudiant à commencer son
cursus pour avoir le droit de repasser l’ECN l’année suivante pour un meilleur
choix.
L’informatisation du classement ne changera pas la situation. Il faudrait
régionaliser l’examen ou purement supprimer cet examen ubuesque.
3) La filiarisation du cursus des internes et l’évolution des
Diplômes d’études spéciales (DES)
Elles devront être réorientées. Nos spécialités sont différentes de celle des
autres pays européens et présentent de graves lacunes pour assurer la continuité
des soins à l’hôpital avec l’hyperspécialisation. On a créé en France une
spécialité de médecine générale de 3 ans.
Le risque est de former des médecins dans le "moule hospitalier",
prescripteurs d’examens complémentaires, d’investigations coûteuses, qui
manquent de pratique. Ils n’exerceront pas la médecine générale pour la
majorité.
Les internes en médecine trouvent que leur DES devrait être porté à 4 ans. Il
faudrait au contraire le raccourcir avec des stages de ville plus intensifs en
5e et 6e année. De plus, une spécialité de médecine aiguë et "d’acute care
surgery" devrait être créée pour faciliter la prise en charge libérale des
urgences.
- La nouvelle spécialité de médecine générale :
elle entraîne un allongement des études médicales en dispensant une
formation plus scientifique que clinique. Ces médecins seront ainsi, comme
l’hôpital qui les a formés, de forts prescripteurs d’examens complémentaires,
souvent plus coûteux qu’utiles. Ils n’auront aucune notion des réalités de
l’exercice libéral, qui nécessite un contact direct avec le patient.
Ils n’exerceront que pour moins de 10 % d’entre eux. On parle de prolonger
d'un an l'internat de médecine générale. 12 ans d'études c'est trop. Il faut au
contraire les raccourcir d'un an ce qui mettrait "sur le marché" 4 000 médecins
de plus chaque année.
Par égalitarisme, ils réclament un clinicat. Un chef de clinique consacrera
50 % de son temps à l’enseignement. C’est une erreur, la médecine générale doit
s’apprendre pendant l’externat dans les services au lit du malade et par
compagnonnage en cabinet médical.
Les internes pourraient animer les maisons de santé et bénéficier d’une
formation en spécialité de médecine aiguë et en bobologie, ce qui éviterait la
saturation des urgences hospitalières.
- En chirurgie : le classement moyen du choix de la chirurgie est passé de la
1 091e à la 1 508e place en 5 ans et la chirurgie viscérale est en fin de
classement !
Des internes formés à la traumatologie et aux urgences abdominales devraient
participer à la prise en charge des urgences, à côté des urgentistes. Cette
évolution éviterait des catastrophes créées par le nombre de retards d’appels au
chirurgien, dans l’attente des examens complémentaires coûteux et souvent
inutiles dans certains UPATOUS.
La formation évolue vers l’ultra spécialisation. Le jeune chirurgien,
angoissé par la dérive judiciaire, ne se formera plus que dans la spécialité
exclusive qu’il lui sera, demain seule autorisée d’exercer. Comment se
formerait-il, même s’il le souhaitait, alors que 70 % des interventions
chirurgicales sont faites dans le privé ?
Les nouvelles technologies permettent à des "non-chirurgiens" d’étendre leur
champ opératoire, telles la chirurgie radio opératoire, l’endoscopie
transviscérale (NOTES/Natural Orifice Transluminal Endoscopic Surgery) et la
robotique. Le "viscéraliste" devra intégrer toutes ces techniques comme un
pilote d’avion et devra se recycler en permanence.
- Les hôpitaux sont hypertrophiés et suradministrés : avec
60 millions de mètres carrés, nos hôpitaux ont un parc immobilier gigantesque
(domaines, immeubles, forêts, vignobles). Avec 100 000 médecins et un million de
salariés, ils sont pléthoriques, mais le temps consacré aux soins diminue avec
la multiplication des contraintes.
30 000 médecins qui ne sont pas titulaires ou issus de notre cursus occupent
des postes vacants car mal rémunérés. 75 % des chirurgiens cardiaques ne sont
pas issus de nos diplômes. 20 % des postes de chirurgie viscérale ne sont pas
pourvus.
Le déséquilibre entre le nombre d’administratifs et de soignants s’aggrave.
Il y a en effet jusqu’à 9 strates administratives dans les grands ensembles
hospitaliers.
Conclusions
Les mesures coercitives à l'installation seront la règle du fait de la mise
en place des ARS et du SROS. Des "tribunaux d'exception" dans les tutelles sont
prêts à tourner contre les médecins. Nos confrères ne pourront ni bénéficier
d'un avocat, ni avoir accès aux pièces du dossier. Elles décideront de votre
avenir, de votre projet de vie et d'installation.
Ces médecins seront-ils "défendus" par ceux-là mêmes qui ont signé ces
accords, les représentants des syndicats signataires non représentatifs ! Toutes
ces mesures vont aller à l’encontre du but recherché, un accès aux soins pour
tous et des économies.
* D’après la thèse de Valériane Komly et Antoine Le Tourneur et le Quotidien
du Médecin, et mes articles dans AAIHP.
Source : http://lecercle.lesechos.fr
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