Infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes, entendus jeudi 6 février
par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, souhaiteraient
que la loi les charge de missions de permanence des soins. Didier Borniche,
président de l'Ordre infirmier, s'est prononcé en faveur d'un statut
d'infirmière praticienne de premier recours.
La mission d'information sur l'organisation de la Permanence des soins (PDS) de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, présidée par le député Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), a procédé, le jeudi 6 février à l'audition des paramédicaux représentés par leurs ordres.
Didier Borniche, président de l'Ordre
national des infirmiers (Oni), a, d'abord souligné que "les infirmiers ne font pas légalement partie de la
PDS qui est dévolue aux médecins, pharmaciens et établissements de
santé" et a déploré que la loi
Hôpital-Patients-Santé-Territoire ait "oublié" les
infirmiers alors "qu'ils jouent un rôle
majeur dans la prise en charge de premier recours".
"Les
infirmiers libéraux ont une obligation de continuité des soins"
Si
les infirmiers n'ont pas une obligation de mission de service public dans le
cadre de la PDS, "ils ont une obligation de continuité des soins quand ils
ont pris un patient en charge" et cela se fait, a-t-il dit, "souvent à
des heures tardives qui relèvent plus de la PDS".
"Les patients à domicile nécessitent des soins de plus en plus lourds,
parce qu'il s'agit de patients polypathologiques ou parce qu'ils sortent de plus
en plus tôt de l'hôpital", a souligné le président de l'Ordre
infirmier.
Les infirmiers font dans la réalité de la PDS
Didier Borniche a cité en exemple le cas des patients sous anti-coagulants
injectables "qui nécessitent une présence et une surveillance, seulement
rémunérée à AMI 1, soit 3,15 euros, hors majoration de nuit, de dimanche ou de
jour férié".
Il a souligné également le cas des infirmiers qui injectent des poches
d'antalgiques dans des cathéters pour les patients qui sortent à N+1 après une
chirugie orthopédique. Or, dans ce cas, un médecin doit pouvoir intervenir à
tout moment. "Ils agissent ainsi seuls en dehors de leur cadre reglementaire
d'exercice et mettent en cause leur responsabilité civile", a-til
précisé.
Autre difficulté soulignée par le responsable de l'ordre, celle concernant la
coordination des soins : "quand le patient revient à domicile avec un
traitement qui a changé", alors que "dans peu de cas une fiche de
liaison est remise au patient à destination de l'infirmier libéral".
"C'est
à la loi de changer les choses"
Didier Borniche a ainsi reproché aux
ARS "de ne pas prendre en compte les infirmiers exerçant en libéral ou dans
des établissements médico-sociaux dans la démarche d'organisation de la
permanence des soins ambulatoire", mis à part l'expérimentation
d'infirmière de nuit en Ehpad en Ile-de-France. "C'est à la loi de changer
les choses", a déclaré Didier Borniche.
Une réflexion sur les nouveaux métiers
Cela doit s'accompagner d'une réflexion sur les nouveaux métiers, a défendu
Didier Borniche qui souligne l'apport potentiel des infirmiers pour "un
prédiagnostic, des examens techniques courants ou le renouvellement
d'ordonnances dans le cadre de pathologies chroniques".
Et de citer les compétences élargies des paramédicaux à l'étranger :
concernant le tri des urgences, en Suède, des infimières dans les centres de
d'information de santé peuvent donner des conseils ou juger qu'une prise en
charge en urgence est nécessaire. Au Royaume-Uni, "des conseillères
infirmières qui ont cinq ans d'expérience dialoguent avec les appelants,
réalisent une évaluation clinique des symptômes et adressent ensuite les
patients au segment les plus appropriés des soins.". Cela nécessite
"une compétence hautement spécialisée des infirmiers" et "une formation
solide".
Autre exemple, celui de l'Advanced nurse practitioner au
Royaume-Uni, "une infirmière de pratique avancée de premier recours ou soins
primaires qui exerce en complémentarité avec les médecins généralistes par
exemple au sein des maisons de santé". Ces infirmiers qui ont suivi une
fomation supplémentaire de niveau master "interviennent dans deux champs
spécifiques, la délivrance des soins de première ligne et la prise en charge
des maladies chroniques", a expliqué le président de l'Ordre.
"L'accès
au soin est amélioré car cela réduit le temps d'attente des patients. Les
conditions d'exercice des professionnels sont aussi améliorées"
"Ces
infirmiers servent de porte d'entrée dans le système, sans remettre en cause la
sécurité des soins, l'infirmier pouvant à tout instant orienter le patient au
médecin" , a précisé Didier Borniche, soulignant l'avance en
matière de coopération en la matière dans les pays scandinaves et anglo-saxons
"pour répondre à des problèmes de démographie médicale mais aussi en raison
d'une recherche d'optimisation des coûts".
En Suède, des infirmiers spécialisés peuvent depuis 1994 prescrire des
traitements dans un cadre strict. Depuis 2006, au Royaume-Uni, ils peuvent
"prescrire tous les médicaments sauf les stupéfiants".
"L'accès au soin est amélioré car cela réduit le temps d'attente des
patients. Les conditions d'exercice des professionnels sont aussi améliorées,
surtout le développement de compétences infirmières complémentaires des médecins
engendrent de nouveaux services. L'efficience du système de santé passe par ce
renforcement des soins primaires", a estimé Didier Borniche. Autre exemple
cité : les 3000 strutures gérées exclusivement par des infirmières en
techniques avancées aux Etat-Unis ouvertes 7 jours/7 pour les soins
primaires.
Pour un statut d'infirmière praticienne de premier recours
Le président de l'Ordre se positionne en faveur d'un "statut
d'infirmière praticienne en soins de premier recours de niveau
master" pour la prise en charge de soins non programmés, la
consultation de suivi des pathologies chroniques, l'éducation thérapeutique, la
vaccination sans prescription,...
Il propose que soit expérimentée "une consultation infirmière de
première ligne" qui permettrait "d'apprécier les conditions de
rémunération et de formation de ces infirmières praticiennes ainsi que de fixer
leur cadre d'intervention et leur dégré d'autonomie et de responsabilité",
ce qui nécessite "une évolution du cadre d'exercice en l'organisant par
missions".
"Une
élévation du niveau des compétences"
"Le débat est mûr en France
pour réfléchir à ces métiers intermédiaires", affirme-t-il,
soulignant l'apport du Plan Cancer 3 avec l'annonce de la création d'un métier
d'infirmière clinicienne en cancérologie pour des examens complémentaires et la
reconduction de traitements spécifiques, sur la base d'une formation master.
C'est "le maillon manquant, comme vient de l'indiquer le rapport des
sénateurs Génisson et Million" , remarque-t-il. Ces professions
nouvelles entraîneront "une élevation du niveau de compétences",
explique Didier Borniche.
Une telle évolution serait également une réponse aux déserts médicaux alors
que "44 % des infirmières libérales exercent dans des communes de moins de
20 000 habitants. (...) On aurait tort de se priver de cette ressource
sanitaire". Il a également posé la question de la prise en charge en
Ehpad et le problème de l'absence d'une infirmière de nuit dans 85 % des Ehpad
alors que cela "permettrait de faire baisser de 38 % le taux
d'hospitalisation et d'éviter 18 000 hospitalisation par an dans les services
d'urgence", comme l'indiquent les chiffres du rapport de l'Observatoire de
fin de vie. "Ce qui représente un important coût financier et humain",
a-t-il ajouté.
Une volonté de travailler avec les ARS
"Est-ce que vous avez déjà eu des relations institutionnelles avec les
ARS sur cette question de la permanence des soins ?", a demandé
Jean-Pierrre Door à l'Ordre. "A ma connaissance, non", a répondu le
président de l'Oni. "C'est un souhait émis par notre Ordre.
"Chaque cabinet infirmier libéral se retrouve être de fait de garde
puisque les infirmières répondent au téléphone pour les urgences (...) Nous
répondons également à des sorties d'hôpitaux le dimanche pour les injections,
les pansements", a précisé Jean-Yves Garnier, infirmier libéral dans la
région caennaise qui a regretté l'absence de cadre légal. Cette évolution
explique le regroupement d'infirmiers dans un même cabinet pour permettre des
roulements, a-t-il ajouté.
"Chaque
cabinet infirmier libéral se retrouve être de fait de garde puisque les
infirmières répondent au téléphone pour les urgences"
"Est-ce
qu'il ne pourrait pas y avoir un lien entre les maisons médicales de garde et
les infirmiers ?", a encore interrogé le député UMP. "Il serait tout à
fait possible d'organiser ce lien", a estimé Jean-Yves Garnier, faisant
valoir le maillage serré de cabinets infirmiers sur le territoire.
Quant à l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes auditionné à la suite de
l'Oni, il a tenu à rappeler aux parlementaires que la profession s'était
d'elle-même organisée pour assurer la PDS et prendre en charge en urgence des
enfants souffrant de bronchiolite, par exemple. La rapporteure Catherine
Lemorton (SRC, Haute-Garonne) a souhaité savoir si la profession attendait un
texte législatif qui impose mais également encadre la PDS. "Ce serait tout à
fait bien qu'il y ait un texte qui l'organise", a répondu François
Maignien, le vice-président du Conseil national de l'Ordre. "Notre présence
ici va dans ce sens", a renchéri son président, Jean-Paul David.
Cyrienne Clerc
Source : www.actusoins.com
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